L’odeur des pins mélangée à celle, dure et prenante, du froid. Le gel est là, fine pellicule brillante couvrant chaque parcelle d’herbe, herbe déjà cachée par quelques centimètres de poudre blanche. Le train arrive, les rails crissent, grognent, coincent, s’enchainent, effroyable bruit brisant la nuit encore présente. Noir. Lumière. Sensations.
.
Une nouvelle journée commence.
.
.
Six mètres vers la gauche. Après le portique. Petit pari personnel : les portes coulissantes s’ouvriront-elles bien en face de ces bottes qui foulent la neige encore vierge ? Bonjour. Le contrôleur. Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, la musique qui fait vibrer les tympans. Pulvérisés avec douceur. Nightwish, Nirvana, Muse, Tarot. Et d’autres. A d’autres. Divers noms de villages s’affichent sur l’écran, au bout du wagon, leurs caractères orangés éclairant avec aigreur l’obscurité. Un cri par-ci, des pleurs par-là. Seulement mimés. Les bouches s’ouvrent et se ferment, en silence, plongées dans un mutisme enjoint par l’intensité des basses de chacune des chansons que j’écoute. Point de vue externe. J’observe tout, je ne sais rien, je devine.
Arrivée à Strasbourg. Seuls quelques flocons recouvrent les pavés abimés par trop de passage ; mes talons glissent, mes escarpins s’usent, je peste. Tram. Homme de Fer. Premier arrêt. Les Halles. Vides. Apaisant silence pesant. D’autres tramways passent derrière moi. Continuent leur bonhomme de chemin. Je suis le trottoir, longe le bâtiment. Gauche. Porte. Gauche. Odeur de vieille friture séchée. Le sol colle. Welcome to the first french McDonald’s fast-food ! Bonjour. L’ « hôtesse de caisse ». Une mandise et un chocolat chaud s’il vous plaît. Merci. Bonne journée à vous aussi. La table contre la fresque. Devant le trou dans le mur. Envie de me cacher dedans. Ou alors de le combler, pour le plaisir de contempler la nouveauté. Il est six heures, Strasbourg s’éveille. Les premiers travailleurs, les premiers passants s’activent, sortent, arpentent les rues. Par vagues ils traversent la route. Vont, viennent. Je les suis, toujours en retrait, je ne les aime pas. Trop fermés. Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, la musique qui fait vibrer les tympans. Démolis avec ardeur. Joues rougies. Pas comptés, foulées mesurées, ne pas marcher sur les rainures des pavés. Nous n’aimons pas les cordonniers. Doux fumet qui parvient à mes narines. Marrons chauds, qui veut des marrons chauds ? Le jeune homme emmitouflé dans son anorak, une moitié du visage couverte par un cache-nez bleu, l’autre par un bonnet vert. Il s’active devant sa locomotive à marrons. Droite. Monte. Monte. Musique. Monte. Livres. Gauche. Gauche. Gauche. Le siège. La chaise que mon honorable postérieur a encombrée des matinées toutes entières. Les visages connus, et reconnus, maintenant. Toujours l’explosion de son dans mes oreilles. C’est bon. Lecture. Bonheur. Descend. Descend. Descend. Des cendres. Tout, des cendres. Indécent. Droite. Longe la rue. Encore. Tram. Place de l’Etoile, je descends, encore. Je traverse la place terreuse, en travaux. Arbres. Morts. Arbres. Jeunes. Traverse. Zigzague et slalome. Entre les copeaux. Traverse. La poudre blanche me manque, ici elle est fade. Trop fine, trop coupée, trop rien . Traverse. Marche. Arrive. Bonjour. L’ « hôtesse de caisse ». Une place pour… Merci, bonne journée à vous aussi. Continuons. Ruban bleu. Accueil soigné. Je passe. Etudiant s’il vous plaît. Monte. Sourire. Carpe Diem. Noir. Fin. Descente. Larmes. Le passé est ma vie, le passé est la mort. Sortie. Il neige. Quelques rares oiseaux enchantent le ciel. A cette heure-ci, dans ce quartier, tout le monde travaille. Le silence est de mise, toujours. Que je l’aime. Que je l’aime. Que je t’aime. Ici je suis en paix. Sérénité est moi.
.
[Je me sens.
Vivre.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire