Son de basse. Le volume est au maximum. Septième ciel. Elle n’entend plus rien d’autre que les rugissements d’une guitare et les hurlements d’un chanteur de toute évidence dérangé. Rien de désagréable, au contraire. Elle tape du pied en rythme avec la batterie, un rythme endiablé, entraînant. Ses lèvres forment des mots, inconsciemment, elle récite comme une leçon les paroles du morceau. Elle les connaît, par cœur, comme beaucoup d’autres. Son voisin la dévisage, légèrement intrigué. Aurait-elle un problème au niveau de ses muscles faciaux ? Un tic, un spasme ? Non, non. C’est juste Korn. D’un geste visiblement rôdé, elle réajuste ses écouteurs. Pourquoi se priver d’un tel son ? Magique. C’est une drogue. Silence. La lecture aléatoire est enclenchée, petite prière intérieure pour tomber sur une chanson d’..
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Apocalyptica. Dieu existerait-il ? Magnifique. Elle ferme les yeux, c’est l’introduction. Douce mélodie, violoncelle de son cœur. Celui de tête semble pleurer ; l’autre lui offre son épaule pour se consoler. Et le dernier guide les pas des premiers. Contrebasse, léger silence, une larme coule encore, elle ouvre les yeux. La musique s’envole, ses pensées avec ; do you like music, Evey ? Douceur et dureté se mêlent, tristesse et joie, espoir, espoir, espoir. Confiance. Les mots lui manquent. Elle ne pense plus, à vrai dire. La mélodie l’envahit, pénètre son âme, la viole doucement. Paradoxe ? Elle se sent nue, devant ces notes. Comme à découvert. Mais sans que cette sensation ne lui déplaise. La beauté des choses lui devient évidente, même ces petites taches de terre séchée sur le sol lui paraissent belles, simplement belles. Instant saisi, unique au monde, jamais plus ces traces ne seront les mêmes. Demain, piétinées, recouvertes de boue ou de poussière, elles ne seront plus là. Et il y a quelques minutes, elles étaient certainement différentes. Et la dame, en face, au bout du wagon, elle non plus ne serait plus jamais la même, n’aurait plus cette expression de paix sur le visage.
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La chanson s’achève, et la jeune fille reste le regard fixé devant elle, les notes résonnent encore dans son esprit. Elle les pianote, du bout des doigts. Elle songe à maintenant. Il faudrait vraiment penser à retenir chacun des moments anodins qui font une journée. Ce sont les meilleurs.